L’« Effet Netflix » ou comment le géant du streaming impacte le tourisme international

Vis ma vie de…Alice, membre de la Green Team
24 mars 2019
La gastronomie au cœur du marketing des destinations
25 juin 2019
Voir tout

L’« Effet Netflix » ou comment le géant du streaming impacte le tourisme international

L’« Effet Netflix » ou comment le géant du streaming impacte le tourisme international

Moteur…action ! Plan large sur une lande verdoyante, travelling à travers la campagne vallonnée, collines et forêts défilent à toute allure. Séquence sur une falaise battue par les vagues, les rocs déchiquetés affleurant à la surface des flots. Fond de musique traditionnelle qui enfle petit à petit, apparaît enfin une forteresse perchée sur un piton rocheux, bâtisse à l’architecture improbable, design de pierre, d’ingéniosité et d’entêtement… Qui n’a jamais rêvé de s’envoler vers les paysages majestueux de l’Ecosse ou vers la mystique Islande après avoir regardé un film ou une série ? Qui n’a jamais senti son âme s’emballer à la vue des merveilles naturelles de notre planète et soudain songer à prendre un billet sec pour la Nouvelle-Zélande ou Hawaii ? Probablement personne.

Notre consommation audiovisuelle a augmenté exponentiellement avec l’arrivée d’acteurs sur le marché tel que Netflix. Le géant international du streaming enregistre une hausse d’environ 10% de son nombre d’abonnés année après année. En février 2019, Netflix a dépassé la barre des 5 millions d’abonnés en France. Cap symbolique car il permet au service de streaming américain de se hisser au-dessus de Canal+. La France figure d’ailleurs parmi les marchés les plus dynamiques pour Netflix. Dans son pays d’origine, les Etats-Unis, le service compte maintenant plus de 60 millions d’abonnés et représente 10% du temps passé devant la télé. Selon une récente étude, les Américains qualifient aujourd’hui Netflix de service « essentiel ». Pas étonnant donc que le nouveau géant du média ait un impact notable dans de nombreux domaines, ce que les experts qualifie déjà d’« effet Netflix ». Or, le tourisme est l’un de ces secteurs sur lesquels l’impact de l’effet Netflix continue à se faire sentir jour après jour et de plus d’une manière différente, pour le meilleur… et pour le pire.

 

  • Le cas d’école : l’explosion du tourisme en Ecosse

L’Ecosse n’est pas étrangère au boom touristique qui peut être engendré par le cinéma ou le petit écran. Depuis des années déjà, le pays profite de la manne touristique créée par des films comme James Bond : Skyfall ou la saga Harry Potter. A lui seul, le viaduc de Glenfinnan sur lequel circule à l’écran le train à vapeur faisant office de Poudlard Express attire jusqu’à 2000 fans du célèbre sorcier par jour et jusqu’à 400 000 visiteurs sur une année.

Véritable succès télévisé, c’est ensuite la série Outlander qui a créé un véritable engouement pour le nord du Royaume-Uni. Les sites figurant dans la série ont bénéficié d’une augmentation de fréquentation de 67% depuis son lancement en 2013. A tel point que l’auteur des livres dont est adaptée la série, Diana Gabaldon, a reçu une distinction pour « services rendus au tourisme écossais » de la part de VisitScotland, l’office de tourisme écossais.

Dernier en lice, c’est le film Outlaw King sorti sur Netflix en novembre 2018, avec en tête d’affiche la superstar américaine Chris Pine, qui est en passe de faire exploser les compteurs touristiques de l’Ecosse. Récit sur la vie de Robert the Bruce, roi des Ecossais, le film a reçu l’aval des critiques et des spectateurs, mais ce sont surtout les paysages écossais qui ressortent grand vainqueur de cette production. Le tour opérateur AC Group a par exemple communiqué des chiffres en augmentation de 167% pour ses réservations à destination de l’Ecosse suite à la sortie du film. En tête parmi les pays à l’origine de ces réservations, les Etats-Unis, le Brésil, les Emirats Arabes Unis et…la France !

« Visiter en vrai des destinations qu’ils ont vues sur Netflix ou dans les films est en train de devenir un argument de vente important, car cela permet aux voyageurs de véritablement se connecter à la destination », explique Malcolm Lindop, le PDG du tour opérateur.

Suite à la sortie du film, les opérateurs touristiques locaux ont immédiatement pris le train en marche et sur l’île de Skye par exemple, trois sites figurant dans Outlaw King ont fait leur apparition sur les brochures des agences de voyage. Particulièrement spectaculaires, les paysages de l’île de Skye attirent déjà régulièrement les tournages. L’année 2018 a marqué un record pour cette région de l’Ecosse avec son nombre total de tournages passant de 198 à 243.

Cependant, ce succès n’a pas que des avantages et les habitants de la petite île de l’ouest de l’Ecosse s’inquiètent déjà du manque d’infrastructures nécessaires pour accueillir un tel afflux de visiteurs. De même, les institutions locales ne peuvent s’empêcher de redouter un « effet Dubrovnik » en référence aux véritables foules qui ont envahi la cité croate après son apparition dans la série événement Game of Thrones

A noter que l’Ecosse n’est pas la seule au Royaume-Uni à pouvoir compter sur l’effet Netflix pour booster ses arrivées. D’après une étude conduite par Barclays, la série Netflix The Crown qui se penche sur le règne de la reine Elisabeth II a également généré un véritable regain d’intérêt pour l’Angleterre avec 63% des touristes internationaux interrogés plus intéressés par visiter le pays que les années précédentes. Dans la même lignée, la série Netflix Sex Education, regardée par plus de 40M de spectateurs à travers le monde depuis sa sortie, a déjà vu un afflux exceptionnel de touristes débarquer sur ses lieux de tournages dans une petite vallée méconnue du Pays de Galle.

 

  • Les surprises plus inattendues : quand la Colombie et la Turquie crèvent l’écran

S’il n’est pas étonnant que des séries Netflix comme La Casa de Papel, qui a rencontré un succès international, aient profité au tourisme en Espagne, les choses peuvent être moins évidentes pour des pays dont les réputations sont plus difficiles ou qui ont souffert de crises ou d’événements locaux affectant négativement leurs arrivées touristiques.

Pourtant, il semblerait bien que la Turquie, et notamment la ville d’Istanbul, pourrait rejoindre la liste des pays devant créditer Netflix pour ses bons chiffres touristiques. Après deux années 2016 et 2017 très compliqués pour le tourisme en Turquie, notamment après la tentative manqué de coup d’état de 2016, le pays semble sortir de la crise et les arrivées touristiques en 2018 sont reparties à la hausse.

Et peut-être bien qu’une petite part de ce succès est dû à la première série originale turque de Netflix The Protector.  Avec déjà plus de 20 millions de vues à travers le monde, la série turque affichant Istanbul comme toile de fond à son histoire fantastique semble titiller la curiosité de ses téléspectateurs. Le responsable de Netflix en Turquie a en effet confirmé que ses équipes avaient reçu de nombreuses questions de la part des abonnés quant à l’emplacement de certains sites apparaissant à l’écran. De même, les « Protector tours » ont commencé à fleurir partout dans les agences de voyage locale de la cité du Bosphore. Certains tour-opérateurs étrangers ont également contacté le service de streaming afin de créer des circuits aussi fidèles que possible.

Utilisant à la fois des éléments de la Turquie ancienne et de la Turquie moderne, The Protector semble parfaitement équipé pour contribuer à la renommée touristique d’Istanbul. C’est également ce que semble penser les équipes turques de Netflix de leur deuxième production à venir, une série qui se penchera sur certaines légendes célèbres du pays et verra cette fois-ci apparaître à l’écran le site de Göbekli Tepe, le plus vieux site archéologique du pays. Affaire à suivre.

Tournons notre regard cette fois-ci vers l’Amérique Latine et vers la Colombie plus précisément. Suite à l’accord signé en 2016 entre le Président du pays et le chef des FARCs, la situation politique s’est un peu calmée dans le pays, qui a pu s’ouvrir au tourisme. Et avec succès ! Depuis un ou deux ans, la Colombie ne cesse d’apparaître dans le top 10 des pays à découvrir. Le pays a accueilli plus de 3 millions de visiteurs en 2017, l’année après la signature du traité, soit une augmentation de près de 300% depuis 2006. En tête des destinations figurent Bogota, Carthagène et… Medellin.

Ancienne capitale du crime et fief de Pablo Escobar, Medellin a connu une augmentation stable de près de 25% de ses arrivées touristiques depuis quelques années.

Véritable instrument de cette réussite, la série Netflix Narcos est constamment citée comme raison n°1 d’aller visiter la ville par les touristes étrangers.

Immensément populaire, la série a été filmée en partie sur place à Medellin et les visiteurs peuvent aujourd’hui embarquer dans différents tours sur les traces du célèbre trafiquant.

L’office de tourisme de Colombie et celui de la ville de Medellin préfèrent ne pas s’attarder sur cette heure sombre de l’histoire du pays et de la ville, mais force est de constater que cela reste un important moteur du tourisme local et la mairie vient tout juste d’annoncer la construction de 34 nouveaux hôtels. Peut-on dès lors parler de happy ending ?

 

  • Être sur Netflix ou ne pas être : quand les choses dérapent

Netflix a récemment lancé une nouvelle série appelée Street Food. Ni une ni deux, la série a remporté un énorme succès et a contribué pour certains à faire du « street food tourism » un véritable concept. La street food n’est pas nouvelle certes, elle a presque toujours fait partie des itinéraires touristiques des plus foodies d’entre nous, mais les émissions culinaires ont mis du temps à rattraper cette tendance montante du tourisme, se tournant souvent plutôt vers des plats étoilés Michelin, certes alléchants mais inatteignables au commun des mortels.

Mais la série Street Food change la donne pour d’autres raisons aussi : elle a permis de mettre en lumière d’incroyables régions et villes de street food, précédemment délaissées au profit de leurs voisines plus touristiques ou plus consensuelles.

C’est ainsi que la saison 1 explore notamment les rues de Chiayi. Jamais entendu parler ? Pas étonnant. En quelques semaines après la diffusion de la première saison de la série cependant, les réservations vers cette région de Taiwan ont littéralement explosé, et pour cause : elle abrite parmi les plus incroyables marchés de nuit.

Même histoire au Japon : la ville d’Osaka, souvent éclipsée par ses voisines Tokyo et Kyoto, retrouve dans la série de Netflix sa place de capitale de la street food du Japon, véritable temple des marchés en tout genre depuis toujours.

Mais s’il semble formidable que des plats à 3 euros puissent à leur tour générer des millions en revenus touristiques, l’émission a également généré son lot de tensions. Chaque fois qu’une sélection doit être faite, il y a toujours des laissés pour compte. Ce fut cette fois-ci le tour de la Malaisie. Les « Netizens » (abonnés Netflix) de Malaisie n’ont pas hésité à faire entendre leur mécontentement envers la série culinaire. En effet, la première saison de Street Food, qui se concentre sur l’Asie, a fait l’impasse sur la Malaisie, alors qu’y figurent pourtant une importante liste de pays : Singapour, les Philippines, l’Indonésie, le Vietnam, la Thaïlande, Taiwan, le Japon, la Corée du Sud et l’Inde. Les Netizens malais en sont même venus à interpeller le ministère du tourisme, l’accusant de ne pas faire son travail correctement… Encore un exemple montrant que l’impact de Netflix sort très largement du cadre du petit écran.

Alice Kabanoff Interface Tourism

Alice Kabanoff

Directrice de compte

Envoyer un email

Your browser is out-of-date!

Update your browser to view this website correctly.Update my browser now

×