Analyse
Tourisme : de l’utilité d’un ministre
Analyse
Tourisme : de l’utilité d’un ministre
En 49 ans de carrière, j’ai connu 26 Ministres ou Secrétaires d’Etat en charge de ce secteur. La durée de vie de ces éminences, inférieure à deux ans en moyenne, allait de 9 jours à 4 ans et 4 mois…. Onze d’entre eux étaient uniquement en charge du tourisme, les autres cumulaient jusqu’à 7 autres secteurs de compétences.
On ne peut pas dire qu’ils ont globalement marqué, si ce n’est, pour certains, par leur totale incompétence. La palme dans ce domaine pouvant être partagée par Sylvia Pinel et par Frédéric Lefebvre.
Pour ma part, quasiment un seul a réellement œuvré dans le bon sens : JJ. Descamps qui a créé la Maison de la France, malheureusement sans qu’il puisse aller jusqu’à sa « défonctionnarisation ».
Dans l’ordre protocolaire des gouvernements, nos Excellences se sont régulièrement battus pour ne pas être surpassés par les anciens combattants ou le droit des femmes. On peut donc imaginer leurs poids politiques !
Dans la majorité des cas, ils étaient choisis comme des variables d’ajustement des gouvernements, pour rééquilibrer soit politiquement, d’où le nombre important de Radicaux, ou pour des raisons géographiques, tel L. Bertrand, car il manquait un « Domtomien » !! De toute façon, ça n’avait aucune importance : s’ils avaient en charge d’autres secteurs, le Tourisme comptait alors pour du beurre !!
Un ministre du tourisme ou pas, ça n’a jamais rien changé !
Pourquoi alors, de nombreux professionnels, sont « vent debout » pour en réclamer un dans le gouvernement Philippe ?
C’est certainement pour deux raisons essentielles. D’une part, culturellement, en France, on attache souvent plus d’importance à la forme qu’au fond, et avoir un Ministre donne l’impression que notre secteur est important. En second lieu, nous avons toujours besoin d’un bureau des pleurs spécifique pour revendiquer, souvent à bon droit, des avantages ou modifications.
Cherchons à être objectif….
L’industrie du Luxe en France, par exemple, n’a pas de ministère spécifique, ça ne l’empêche pas d’être reconnue mondialement et de se développer !
Donc un ministère en soi, dans ses fonctions habituelles, n’a aucun intérêt.
Une structure en charge de l’Industrie touristique et non du tourisme
Il en serait, en revanche, tout autrement si était créée une structure, qui aurait en charge l’Industrie Touristique et non le Tourisme – et ce n’est pas uniquement une question de sémantique !
En quoi consisterait cette structure :
– L’Industrie Touristique pourrait être un élément essentiel de la revitalisation de nos régions en voie de paupérisation et que l’on connaît sous le nom de la France périphérique. Ne manquant pas de potentiel touristique, elles devraient faire l’objet de coproduction public/privé pour créer des produits en mesure d’attirer des clientèles françaises et surtout étrangères et ainsi développer l’emploi et fixer des populations en leur redonnant un espoir dans le futur.
La politique de développement consisterait également à repositionner toute l’offre touristique Française pour qu’elle prenne en compte les nouvelles tendances des consommateurs en particuliers celles des étrangers à fort pouvoir d’achat. Son objectif étant de donner les moyens à notre offre de générer le maximum de contribution en matière de devises et de création d’emplois.
Elle devrait de plus se pencher particulièrement sur la revalorisation de l’offre hôtelière de Loisirs, seul type de produit d’hébergement en mesure d’opérer en saison longue et nécessitant un nombre important d’emplois.
– Une telle politique d’aménagement du territoire ne pourrait se concevoir que si elle était initiée et arbitrée constamment au plus haut niveau du gouvernement, donc cette structure devrait être auprès du premier ministre. Elle devrait être de la plus haute compétence, être en mesure de travailler dans la durée, et ne pas être politisée : il serait donc souhaitable que ce soit un Haut-Commissariat auprès du premier Ministre et non un Secrétaire d’Etat ou un « petit » Ministre.
Elle devrait s’affranchir, dans ces réflexions, de toutes les limites de la législation actuelle, pour être en mesure de proposer des modes de réalisation spécifiques, dérogatoires et adaptés aux écosystèmes à vocation touristique, de plus, en mesure d’être réalisées rapidement.
– Ce Haut-Commissariat devrait conserver un certain nombre de fonctions actuellement dévolues au ministère du Tourisme, telles que celles relatives à la réglementation et à l’octroi des licences et labels.
Pour ce qui concerne l’ingénierie, il est évident que ce serait une des fonctions essentielles de la nouvelle structure, mais pas sous sa forme actuelle. En particulier toutes les fonctions support auprès des collectivités locales devraient disparaître : il y a en effet suffisamment de bureaux d’études privés pour les réaliser.
La promotion internationale devrait naturellement être pilotée par cette structure. C’est un domaine, ô combien sensible, qui fait l’objet systématiquement de demande d’accroissement de budget. Il serait impératif d’analyser, avant toute décision, le montant des ressources « publiques » dont la France dispose réellement en tenant compte de celles réparties dans toutes les structures territoriales du « mille feuilles » administratif.
Une fois fait ce recensement, il serait nécessaire de repenser totalement notre politique de promotion et de marketing international afin de la rationaliser et la projeter dans la modernité.
Le domaine statistique consacré au Tourisme est actuellement d’une médiocrité insigne. En dehors de permettre à nos ministres de faire des cocoricos sur un soi-disant positionnement de numéro 1 mondial, nous ne disposons d’aucune, ou presque, données vraiment fiables et donc utilisables. Donc, un effort important devrait être fait dans ce domaine.
– Pour éviter d’alourdir ce Haut-Commissariat, tout ce qui est du domaine du social devrait être réaffecté dans les ministères concernés. Les chèques vacances, à l’instar des tickets restaurant vers celui du Travail, le Tourisme social vers le ministère du même nom…
– Enfin, la transversalité des activités liées à l’Industrie Touristique, qui implique des relations avec certains ministères, tels que ceux des Transports de la Culture de l’intérieur, de l’éducation Nationale ou des Affaires Étrangères, serait grandement facilitée du fait d’être positionnée auprès du Premier Ministre. Ceci devrait améliorer les relations et surtout la prise en compte des besoins liés aux touristes, à leurs activités, et à leur sécurité.
Quant à la qualité de notre accueil ou la propreté, arrêtons d’imaginer que des campagnes gouvernementales y remédieront. Si les Français sont conscients que l’Industrie Touristique leur sera bénéfique, ils sauront adapter leur comportement en conséquence. En revanche, comment les motiver quand des politiques, tel Montebourg, leur serinent que : « si on ne relance pas l’industrie, on sera condamnés à faire du Tourisme » !
En conclusion, faisons un vœu…
Dans la nouvelle ère Macron, peut-être serait-il enfin possible de considérer l’Industrie Touristique comme un de nos atouts majeurs à une époque où la mondialisation à rebattu les cartes ?
Incontestablement c’est l’une de nos forces mais nous l’avons laissée en jachère pendant des lustres préférant penser que seule la véritable industrie était du sérieux et que le Tourisme c’était de la rigolade et que, de toute façon, nous étions historiquement bons dans cette activité, donc qu’il n’y avait pas lieu de vraiment s’en occuper !
Selon G. Clemenceau, « la guerre, c’est trop sérieux pour être confiée à des militaires », il en est de même pour l’Industrie Touristique, c’est trop important pour être confié à un ministre…
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